MRM Insights: Vie privée et confidentialité dans la recherche sur les cellules souches humaines – trouver le bon équilibre

M. Michael Beauvais

Chaque mois, dans MRM Insights, un membre du Réseau MRM écrit sur les cellules souches et la médecine régénérative d’un point de vue différent. Ce mois-ci, Michael Beauvais, Assistant de recherche au Centre de génomique et politiques et membre du Comité d’éthique du MRM, nous parle de vie privée et de confidentialité dans la recherche sur les cellules souches humaines.

Vie privée et confidentialité dans la recherche sur les cellules souches humaines – trouver le bon équilibre

En tant que société qui s’appuie de plus en plus sur une économie qui se base sur les données (dans laquelle la recherche axée sur les données joue un rôle central), les risques pour la vie privée des individus sont à la hausse. Pourtant, la seule façon d’éliminer complètement les préoccupations en matière de protection de la vie privée est de s’abstenir de recueillir et/ou d’utiliser des renseignements personnels.

Cela met toutefois en danger la capacité de mener des activités socialement utiles, comme la gestion de la santé publique en cas de pandémie. Une approche draconienne de la minimisation des renseignements personnels réduit également considérablement les connaissances qui peuvent être tirées de la recherche. Plutôt que de se placer à l’un des des extrêmes, soit l’utilisation d’une quantité maximale ou minimale de données à caractère personnel, l’enjeu primordial serait peut-être de trouver un juste équilibre entre les bénéfices et les risques.

En tant que ressource rare, il y a un impératif éthique général, ou une obligation, de maximiser l’utilisation des lignées de cellules souches. Une façon centrale de respecter cette obligation éthique est le large partage des lignées cellulaires. Un vaste échange est également essentiel pour assurer la validité scientifique de la recherche en permettant la reproductibilité. Dans ce contexte, cependant, il y a d’autres questions éthiques. L’une des questions principales est le respect des personnes et la non-malveillance. Autrement dit, les chercheurs doivent minimiser les risques pour les donneurs de lignée cellulaire, l’un de ces risques étant de porter atteinte à leur vie privée. Dans cette édition de MRM Insights, je vais discuter de certaines considérations liées à la vie privée des donneurs quand il s’agit de lignées cellulaires.

Confidentialité et identification : les concepts clés

La protection de la vie privée, de façon générale, concerne les règles contextuelles qui régissent la circulation des renseignements personnels. Selon le type d’information en cause, le contexte relationnel dans lequel elles ont été générées, les attentes de la ou des personnes auxquelles les données se rapportent, etc., les règles seront différentes. Toutes les informations n’impliquent pas non plus la vie privée. Seules les informations « personnelles » le font. Pour que l’information soit « personnelle », elle doit identifier une personne. Cela existe sur un continuum allant des identificateurs directs (p. ex., votre nom) aux identificateurs indirects (p. ex., les traces de séquences génomiques).

Pour la recherche sur les cellules souches, le type de cellules est également pertinent afin de déterminer l’information qui pourrait être liée à un donneur individuel. Dans le cas des cellules souches pluripotentes induites (iPSC), elles peuvent conserver une quantité importante des données génétiques du donneur. Pour les donneurs qui ont des maladies rares, leur séquence génétique seule peut être un identificateur puissant, même s’il est indirect. Tout ce qui est nécessaire pour rendre l’information « personnelle » est quelque chose qui distingue un individu du reste de la population. D’un autre côté, pour les cellules souches embryonnaires humaines (hESC), il n’existe pas de donnée génétique unique et spécifique aux donneurs parce que les lignées cellulaires étaient dérivées d’un embryon seulement, de sorte que l’information génétique provient des deux contributeurs de gamètes. En pareil cas, cependant, on pourrait encore tirer des enseignements probabilistes sur les contributeurs de gamètes à partir de ces données.

Protéger la vie privée des donneurs

Lorsque vous travaillez avec des iPSC ou des hESC, la protection des renseignements personnels des donneurs de lignées de cellules souches est une préoccupation qui s’étend sur la durée de la dérivation et de l’utilisation des lignées cellulaires. Par exemple, la Société internationale de la recherche sur les cellules souches (ISSCR) précise dans ses directives de 2016 que les chercheurs qui dérivent la ligne cellulaire devraient avoir un plan de gestion de la vie privée en place. Cela peut inclure le codage de certains renseignements personnels (c.-à-d. le remplacement des identificateurs directs par un code) dont la clé serait conservée par un tiers de confiance. Ces mesures devraient être communiquées aux donneurs dans le cadre du processus de consentement. Compte tenu de la richesse d’autres ensembles de données avec lesquels les informations des donateurs peuvent être reliées et de la sophistication des techniques de réidentification, il convient également de mentionner dans les documents de consentement qu’il n’existe aucun moyen de garantir que la vie privée peut être absolument protégée. De même, l’Énoncé de politique des trois conseils (EPTC 2) exige que les lignées de cellules souches pluripotentes humaines soient anonymisées (c.-à-d. que toutes les informations d’identification soient supprimées de façon irréversible) ou codées dans la plupart des cas. De plus, les chercheurs qui mettent des lignées cellulaires à la disposition d’autres chercheurs doivent s’assurer que ces lignées soient anonymisées ou codées. Ce processus établit un équilibre entre le devoir éthique de partager et celui de respecter les participants.

Conclusion

Les questions de protection de la vie privée sont susceptibles de rebuter même les chercheurs et les éthiciens les plus patients. Les questions d’identification peuvent être farouchement complexes et particulièrement frustrantes, en raison de la nature contextuelle de la requête. Il s’agit en fin de compte d’une question qui se pose en fonction d’un donneur particulier, d’un projet de recherche spécifique, du type de lignée cellulaire utilisé et des façons prévues de partager ces lignées. L’existence de renseignements personnels dans un projet de recherche ne devrait pas en soi l’empêcher de se réaliser. Il s’agit toujours de minimiser proportionnellement les risques que la recherche représente pour les donneurs et les participants.

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