Voyage au cœur d’une tumeur mammaire
Félicitations au Dr. Chris Moraes et collègues pour leur papier publié dans Nature Communications: Mapping cellular-scale internal mechanics in 3D tissues with thermally responsive hydrogel probes.
Une nouvelle technique pourrait permettre de mieux détecter et cartographier le cancer
Grâce à une nouvelle technique, une équipe de chercheurs de l’Université McGill a mis au jour de minuscules « points chauds » autrefois indétectables – des régions d’extrême rigidité – dans des tumeurs mammaires agressives et invasives. Leur constat donne à penser, pour la toute première fois, que des métastases peuvent se former, même si la tumeur ne renferme que de minuscules zones de rigidité. Bien qu’elle soit embryonnaire, cette technique pourrait se révéler utile pour la détection et la cartographie des cancers agressifs, croient les chercheurs.
« Nous pouvons maintenant voir ces caractéristiques, parce que notre technique nous permet de prendre des mesures dans des tissus tridimensionnels vivants et intacts », nous apprend Chris Moraes, professeur au Département de génie chimique de l’Université McGill, titulaire d’une chaire de recherche du Canada et auteur en chef d’un article paru récemment dans Nature Communications. « Lorsqu’on lèse le moindrement les échantillons de tissus – ce qui se produit normalement avec les techniques habituelles – on ne peut plus déceler ces points chauds. »
Des hydrogels « intelligents » pour suivre la progression du cancer
Les chercheurs ont fabriqué de minuscules capteurs à hydrogel qui peuvent s’étendre sur demande – comme si on gonflait des ballons de la taille d’une cellule –, puis les ont insérés dans des cultures cellulaires tridimensionnelles et des modèles de souris de cancer du sein. En déclenchant l’expansion de l’hydrogel, ils peuvent mesurer des zones très précises de rigidité intratumorale.
Fruit de la collaboration entre le Département de génie chimique et le Centre de recherche sur le cancer Rosalind et Morris Goodman de l’Université McGill, cette technique inédite permet aux chercheurs de capter, du point de vue de la cellule cancéreuse, ce qui se passe dans les zones environnantes.
La cellule scrute ses environs avant d’agir
« Les cellules humaines ne sont pas statiques. Elles s’agrippent aux tissus environnants, les étirent pour en évaluer l’élasticité et adoptent généralement le comportement indiqué : les cellules immunitaires peuvent s’activer, les cellules souches, se spécialiser, et les cellules cancéreuses, verser dans une dangereuse agressivité, explique le Pr Moraes. Habituellement, les cellules du cancer du sein sont entourées de tissus plutôt moelleux. Mais nous avons constaté que dans les tumeurs cancéreuses agressives, les cellules se butaient à des tissus beaucoup plus rigides qu’on l’aurait cru, aussi rigides en fait que des oursons de gélatine durs et secs, oubliés depuis longtemps. »
Les chercheurs pensent avoir mis en lumière des effets jusqu’ici inconnus de la mécanique cellulaire sur la progression du cancer, même aux premiers stades de la maladie.
« Si on dispose de méthodes pour analyser la mécanique cellulaire dans des tissus tridimensionnels, peut-être pourra-t-on mieux évaluer les risques et le pronostic du patient, avance Stephanie Mok, auteure principale de l’article et doctorante au Département de génie chimique. Pour l’instant, on ignore si ces “points chauds”, ces zones de rigidité, font réellement progresser le cancer ou s’il s’agit d’une simple corrélation, mais, chose certaine, c’est une question capitale à laquelle nous devons répondre. »
Illustration: Thermoresponsive mechanosensor embedded within a multicellular spheroid, crédit photo : Stephanie Mok.
Source: le Bulletel de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, voir leur article ici.