MRM Insights: Modéliser des cardiomyopathies et des maladies rares à l’aide d’iPSCs dérivées de patients

Professor Terry Hébert

Chaque mois, dans MRM Insights, un membre du Réseau MRM écrit sur les cellules souches et la médecine régénérative d’un point de vue différen. Ce mois-ci, Dr. Terry Hébert, Professeur au Département de pharmacologie et thérapeutique, Vice-doyen adjoint de l’Enseignement des sciences biomédicales, membre du Comité exécutif du MRM et Président du Comité éducation du MRM, nous parle de la modélisation des cardiomyopathies et des maladies rares à l’aide d’iPSC dérivées de patients.

Modéliser des cardiomyopathies et des maladies rares à l’aide d’iPSC dérivées de patients – les cellules souches mènent à la médecine de précision

La médecine de précision représente l’avenir des soins de santé personnalisés et de l’innovation en santé au Canada et au-delà. Pour progresser dans ce domaine, nous devons combiner la recherche fondamentale, clinique et translationnelle, les données et les chercheurs pour créer des plates-formes uniques pour comprendre, traiter et, espérons-le, guérir les maladies. C’est vrai à la fois pour les maladies qui touchent des millions de personnes et pour les maladies qui touchent des centaines de personnes.

Maladies courantes : différents visages

Les maladies cardiovasculaires demeurent la principale cause de décès dans le monde occidental – pour vous donner une idée du problème 1 femme sur 4 aura une maladie cardiaque tandis qu’une femme sur 40 sera frappée par le cancer du sein. Ces faits sont d’importance clinique particulière pour les maladies connues sous le nom de cardiomyopathies, des maladies du muscle cardiaque qui réduisent la capacité du cœur à pomper le sang oxygéné au corps. Cela peut conduire à l’insuffisance cardiaque, une condition cardiovasculaire qui connaît l’augmentation la plus rapide de l’incidence et un taux de survie à 5 ans de seulement 50%. Fait important, divers états de maladie causant le remodelage cardiaque et l’hypertrophie peuvent être modélisés à l’aide de systèmes de culture 2D et 3D à base d’iPSC dérivées de patients. Les cellules sanguines peuvent être développées et transformées en iPSC, qui peuvent également être bio banquées, facilitant leur utilisation pour modéliser les effets de gènes spécifiques sur le développement des maladies cardiaques et pour tester si des approches thérapeutiques particulières pourraient mieux fonctionner chez des patients spécifiques – une approche qui a été validée dans des études sur les cardiomyopathies. En nous basant sur des iPSC dérivées du patient, nous avons récemment développé un programme appelé l’Initiative de cardiomyopathie Courtois qui, nous l’espérons, révolutionnera la modélisation préclinique pour le développement de médicaments en utilisant des cellules souches pluripotentes inductibles dérivées par le patient (iPSC) et des organoïdes qui sont des modèles  organotypiques 3D dérivés des cellules pour l’étude des processus de la maladie et des réponses thérapeutiques.

Avec des collègues du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), Dr Nadia Giannetti Dr Renzo Cecere, nous avons maintenant mis sur pied un pipeline qui nous permet d’obtenir des échantillons de sang auprès de grandes cohortes de patients atteints de cardiomyopathies diagnostiquées. Cela nous permettra de mener des études à grande échelle de modélisation basée sur les iPSCs, offrant ainsi l’occasion de personnaliser les traitements d’une gamme de maladies cardiovasculaires d’importance clinique. Au cours des dernières années, nous avons aidé à concevoir, modéliser, produire et valider un grand nombre de biocapteurs basés sur le transfert d’énergie de bioluminescence et de fluorescence par résonance (BRET et FRET) pour suivre la signalisation des récepteurs en mesurant l’activation des protéines G hétérotrimériques, des effecteurs en aval, la production de second messagers et le recrutement de protéines qui intéragissent avec des RCPG. Les productions de biocapteurs dépendent de façon critique des contextes cellulaires et subcellulaires et, pour être honnête, beaucoup de découvertes de médicaments commencent dans des systèmes de culture cellulaire hétérologues non pertinents qui ne reflètent ni la maladie ni les tissus touchés. Ici, notre objectif est d’utiliser des biocapteurs pour examiner la signalisation RCPG d’une manière spécifique au contexte cellulaire dans différentes cellules du myocarde et du système vasculaire. Nos plates-formes basées sur des iPSCs nous donnent les moyens d’étudier de tels événements de signalisation dans plusieurs types de cellules pertinents pour le système cardiovasculaire ainsi que d’autres types de cellules.

Nous espérons que la capacité de modéliser la progression de la maladie dans les différents types de cellules, les co-cultures de cellules primaires et d’iPSC dérivées et les modèles organoïdes seront un lieu novateur et unique dans lequel nous pourrons utiliser nos approches établies à base de biocapteur et phénotypiques pour la découverte de médicaments. À ce jour, nous avons largement phénotypé les lignées d’iPSC et généré des cardiomyocytes et des cellules musculaires lisses vasculaires à partir de celles-ci. Nous espérons que notre programme alimentera le développement disruptif d’un traitement personnalisé afin d’améliorer les résultats pour les patients. Ce travail réunit des cliniciens-chercheurs et des pharmacologues moléculaires et, finalement, des ingénieurs tissulaires comme la Dre Corinne Hoesli, dans un cadre ambitieux pour aborder les aspects personnalisés des maladies cardiovasculaires.

La création récente du Programme Courtois Cardiovascular Signature fournit un cadre local pour tous les aspects de ce travail. Pour optimiser les résultats translationnels de ces recherches sur différentes cardiomyopathies, nous avons besoin d’une compréhension plus riche et plus complète des patients dans le monde réel. Notre objectif ici est de développer de meilleurs modèles précliniques reliant les échantillons cliniques avec des technologies de pointe de criblage des médicaments à l’aide de cellules souches pluripotentes inductibles dérivées de le patient (iPSC) et, en fin de compte, des versions 3D de ces cellules, connues sous le nom d’organoïdes. Ces modèles alimenteront le développement disruptif d’un traitement personnalisé avec de meilleurs résultats pour les patients, grâce à une meilleure compréhension des mécanismes individuels de la maladie et des réponses thérapeutiques, de nouveaux diagnostics moléculaires et des thérapies ciblées. Pour vraiment personnaliser la médecine, nous devons être en mesure de modéliser la maladie sur une base spécifique au patient. Pour atteindre ce but, nous avons besoin 1) d’échantillons de sang dérivés par le patient, 2) de la génération et validation d’iPSCs, 3) de la validation phénotypique des cellules dérivées d’iPSC telles que les cardiomyocytes (cliquez sur le lien), les fibroblastes, les cellules endothéliales et cellules musculaires lisses vasculaires de patients atteints de maladies cardiovasculaires et 4) de plates-formes de biocapteurs pour saisir des événements uniques de signalisation spécifiques aux patients et aux maladies dans les iPSC et les cellules dérivées correspondantes différenciées dans des cultures 2D et 3D. Cette combinaison particulière d’approches de biocapteurs pour la découverte de médicaments et la modélisation des maladies dans les iPSCs est unique à l’Université McGill.

Notre initiative est partenaire d’une entreprise plus vaste lancée par le Dr Gianneti appelé The Courtois Cardiovascular Signature Biorepository. Il s’agit d’une collection de spécimens biologiques et de données cliniques provenant de participants atteints ou à risque de maladie cardiaque acquise, de membres de leur famille et de participants en bonne santé à titre de témoins. Ce projet produira de nouvelles données scientifiques essentielles menant à l’amélioration des traitements contre les maladies cardiovasculaires. Les patients de plus de 18 ans qui se présentent au CUSM avec une cardiomyopathie nouvellement diagnostiquée ou qui sont déjà suivis à la clinique Arrêt cardiaque du CUSM avec un diagnostic de cardiomyopathie sont admissibles. Il y a actuellement 800 patients actifs suivis à la clinique Arrêt cardiaque. Notre programme développera des approches de médecine personnalisée pour les patients atteints de cardiomyopathies, à la fois génétiques et idiopathiques.

Our initiative is part of a larger endeavour begun by Dr. Gianneti called The Courtois Cardiovascular Signature Biorepository. This is a collection of biological specimens and clinical data from participants with or at risk of acquired heart disease, their family members and healthy participants as controls. This project will generate critical new scientific data leading to improved treatments for cardiovascular disease. Patients over 18 years of age who present to the MUHC with newly diagnosed cardiomyopathy or who are already followed in the heart failure clinic of the MUHC with a diagnosis of cardiomyopathy are eligible. There are presently 800 active patients followed at the heart failure clinic. Our program will develop personalized medicine approaches for patients with cardiomyopathies, both genetic and idiopathic. Pour notre part, nous avons été généreusement soutenus par la Fondation Courtois pour financer la première génération de lignées d’iPSCs à partir de 100 patients de ce groupe, ce qui nous permettra d’établir une preuve de principe pour notre pipeline. Un débit accru de la production et de la différenciation des cellules souches sera développé davantage, y compris une capacité accrue de collecter et de recueillir dans une bio banque des échantillons dérivés des patients.

Maladies rares : occasion rare

Imaginez la vie comme un parent dont l’enfant est atteint d’une maladie rare. Il y a 15 ans, les médecins ne pouvaient traiter que les symptômes, l’industrie pharmaceutique n’était pas intéressée et les parents et les enfants étaient confrontés ensemble à un avenir incertain. Maintenant, avec l’avènement du séquençage du génome entier et la modélisation de la maladie à base de cellules souches, les patients et leurs défenseurs peuvent se concentrer sur la compréhension de la façon dont ces maladies fonctionnent, se connecter avec d’autres familles avec la même maladie et investir leur temps et leur énergie dans un plaidoyer plus productif visant à de meilleurs traitements et même des remèdes. Au-delà de cela, nous devons aux patients atteints de maladies rares une dette énorme – les mutations dans les gènes individuels qui affectent ces individus fournissent une lentille puissante pour comprendre comment ces gènes fonctionnent dans des conditions normales – qui peuvent souvent se traduire par des approches thérapeutiques à des maladies qui sont beaucoup plus fréquentes. Un tel exemple est l’histoire des médicaments à succès appelés statines, utilisées pour traiter les patients atteints d’un taux élevé de cholestérol. La découverte de ces médicaments a été basée sur  l’étude d’une poignée de patients atteints d’une hypercholestérolémie familiale rare par Michael Brown et Joseph Goldstein. L’apprentissage de la façon dont le transport et la synthèse du cholestérol fonctionnaient grâce à des cellules de ces patients a transformé notre compréhension de la façon de traiter des millions de patients souffrant d’un taux élevé de cholestérol et de ses conséquences pour les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux. Il a également abouti à un prix Nobel pour Brown et Goldstein en 1985 et a conduit à la mise au point de statines, des médicaments qui affectent l’équilibre de la mobilisation du cholestérol et aider à éliminer le cholestérol transmis par le sang de la circulation. Ils ont réalisé tout ce travail avant l’avènement du projet du génome humain – ce qui est encore plus impresionnant. Imaginez maintenant comment une compréhension d’autres maladies rares pourrait se traduire par un développement similaire de nouveaux médicaments pour d’autres maladies telles que le cancer, les maladies cardiaques et les troubles immunitaires. Nous sommes arrivés à un point critique pour rendre cela possible.

La puissance des approches basées sur les iPSCs se manifeste également fortement lorsqu’on considère les patients souffrant de maladies rares. Un certain nombre d’études récentes ont montré que des mutations similaires qui se produisent dans la lignée germinale (dans plus de 80 patients à ce jour) conduisent à un retard de développement, des symptômes semblables à l’autisme, des convulsions et de l’hypotonie. De telles mutations se trouvent dans plusieurs surfaces importantes de liaison aux effecteurs des sous-unités Gβ, mais celles-ci n’ont pas été systématiquement testées. La perte de germinale de Gβ1 est léthale au stade embryonnaire. Nous nous concentrerons sur les mutations ponctuelles germinales dans la sous-unité Gβ1, codée par le gène GNB1, en étudiant les effets de ces mutations in vitro, en vue de comprendre leur impact sur la signalisation dans différents types de cellules tels que les neurones, où leur impact se fait sentir. Nos objectifs sont de cartographier les régions fonctionnelles et de relier les résultats fonctionnels aux phénotypes cliniques.

Nos travaux portent sur la signalisation des protéines G et l’impact des mutations GNB1 dans les modèles basés sur iPSC pertinents à cette maladie neurodéveloppementale rare. Bien que nous adoptions une approche qui examinera les événements de signalisation des protéines RCPG/G déjà connus, tels que la régulation des canaux ioniques dans le cœur et le cerveau, l’accent sera mis sur les événements qui se produisent dans le noyau des cellules, où la signalisation Gβγ pourrait contrôler la façon dont les gènes sont activés ou éteints, des efforts que nous avons lancés et sommes particulièrement prêts à étudier. Comprendre leur impact, nous guidera vers des stratégies thérapeutiques personnalisées qui pourraient aider les patients GNB1 à la fois individuellement et collectivement. Nous serons en mesure d’utiliser nos modèles pour personnaliser les traitements pour chaque patient, mais nous allons également créer une ressource étonnante pour comprendre les rôles plus larges des gènes mutés chez ces patients. Nous avons déjà développé des lignées obtenues de patients présentant des mutations germinales dans GNB1 qui causent ce phénotype neurodéveloppemental avec des lignées de contrôle des membres de la famille.

À mon avis, l’avenir de la médecine personnalisée et de précision se joue sous nos yeux maintenant. En fin de compte, pour moi personnellement, le processus a été profondément touchant. En tant que scientifiques fondamentaux, nous rêvons souvent de découvrir les secrets de la nature, peu importe ce que cela signifie. Interagir avec les patients, les familles et les fournisseurs de soins de santé pour la cardiomyopathie et pour GNB1 a transformé la façon dont je vois mes recherches se dérouler. Je veux aider. L’utilisation d’iPSCs provenant de patients a donné à mon laboratoire l’occasion de le faire. Je suis profondément reconnaissant pour le financement, oui, mais aussi profondément reconnaissant pour le nouveau sens que mon travail a pour moi et mes étudiants. Comme je l’ai dit, nous voulons aider.

 

The Hébert Lab

 

Heart photo created by freepik – www.freepik.com

Copyright © 2019 Réseau de Médecine Régénérative de McGill. Tous droits réservés. Site Web par KORSR Studio, Valérie Provost & ER5.