MRM Insights : L’importance des matrices mécaniquement définies

Dr Joseph Matt Kinsella

Chaque mois, dans les MRM Insights, un membre du Réseau MRM écrit sur les cellules souches et la médecine régénérative d’un point de vue différent. Ce mois-ci, le Dr J. Matt Kinsella, Professeur agrégé au Département de génie biologique, nous parle de l’importance des matrices mécaniquement définies.

L’importance des matrices mécaniquement définies

Les matrices et leur structure jouent un rôle essentiel dans le soutien physique et le guidage par contact de la migration, de la différenciation et de la prolifération cellulaires pendant la régénération tissulaire. Les cellules vivantes sont dans un échange continu dynamique avec leur environnement. Comprendre comment les cellules répondent aux stimuli externes est une question fondamentale en biologie cellulaire et qui a des répercussions sur le développement, la migration cellulaire collective et leur motilité ou même l’émergence de maladies. Les propriétés mécaniques des matrices, y compris la rigidité et la porosité, sont connues pour avoir un impact significatif sur la façon dont les cellules interagissent de façon dynamique et réciproque avec leur environnement. Nous présentons ici un cas simplifié pour comprendre la relation entre les propriétés mécaniques d’une matrice et les conséquences biologiques en tant que critère essentiel de conception.

Une approche physique et mathématique détaillée de la conception matricielle, avec une considération spécifique donnée à la capacité des matériaux de matrice à être utilisés comme « bioencres » chargées de cellules pour la bioimpression 3D est présentée dans les publications suivantes de notre groupe [1,2]. Dans ces exemples, il est démontré que l’élasticité de la matrice joue un rôle essentiel dans la viabilité cellulaire, la formation et la progression des sphéroïdes [3, 4, 5].

L’effet de l’élasticité sur la fonction cellulaire repose sur l’expression de protéines, telles que les intégrines et les protéines de complexes d’adhésion focale en aval, qui sont détectées et transduites en signaux mécaniques et biochimiques dans des voies spécifiques [4]. Le noyau nécrotique qui se développe à l’intérieur des sphéroïdes dépend des limitations du transport des nutriments et de l’oxygène. Les sphéroïdes avec des diamètres allant de 200 à 500 μm sont assez grands pour développer des gradients chimiques, tandis que les sphéroïdes de plus de 500 μm de diamètre développent une nécrose secondaire centrale où les cellules internes meurent par apoptose ou nécrose.

Les sphéroïdes d’un diamètre de moins de 150 μm sont fréquemment utilisés pour les tests de médicaments et peuvent être suffisants pour présenter des interactions 3D cellule-cellule et cellule-matrice, mais ne sont pas assez grands pour présenter des gradients d’oxygène avec des régions hypoxiques ou des gradients de prolifération. Équilibrer les limitations de transport avec les propriétés intrinsèques de la matrice permet aux mécanismes de contrôle de moduler la croissance des cellules, leur taux de prolifération, la formation de sphéroïde ou d’organoïde et, dans le cas des cellules souches (voir ci-dessous), les mécanismes qui influencent leur différenciation.

Quel rôle la rigidité a-t-elle sur la prolifération cellulaire ?

L’une des relations les plus étudiées entre les propriétés mécaniques de la matrice et le comportement cellulaire est l’effet de la rigidité matricielle sur la prolifération cellulaire. La rigidité mécanique de la matrice peut être quantifiée par son module, défini comme le rapport contrainte/déformation. La prolifération cellulaire est fortement influencée par la rigidité de la matrice et les voies de différenciation sont définies en partie par la rigidité de la niche ou de la matrice artificielle.

Les cellules ont tendance à présenter des taux de prolifération plus élevés sur des matrices plus rigides que sur des matrices plus souples. Cette relation a été observée dans divers types de cellules, y compris les cellules souches mésenchymateuses (CSM), les fibroblastes dermiques humains et les ostéoblastes [6]. Cette relation peut être modélisée à l’aide d’une équation de loi de puissance, où le taux de prolifération cellulaire (P) est proportionnel à la rigidité de l’échafaudage (S) élevée à un exposant de la loi de puissance (n) et multipliée par une constante (K). L’équation peut être exprimée comme suit:

P=KSn

Où n varie selon les types de cellules et les matériaux de la matrice.

Quel rôle la rigidité a-t-elle sur la différenciation cellulaire ?

En plus d’affecter la prolifération cellulaire, la rigidité de la matrice a un impact sur la différenciation cellulaire. La différenciation cellulaire fait référence au processus par lequel les cellules acquièrent des fonctions spécifiques et se spécialisent en un tissu particulier comme la différenciation ostéogénique des CSM lorsque les cellules sont cultivées sur des matrices plus rigides par rapport à des matrices plus souples [7]. Cette relation peut être attribuée à la régulation ou l’activation des voies de signalisation mécaniques en réponse à la rigidité de la matrice [8]. L’organisation et les interactions du cytosquelette et de la matrice extracellulaire (MEC), qui sont des composants cruciaux de ces voies de signalisation mécaniques, sont largement influencées par la rigidité de la matrice.

Quel rôle joue la rigidité sur la synthèse de la matrice extracellulaire ?

Les propriétés mécaniques des matrices affectent également la synthèse de la MEC, qui est un facteur critique dans la prolifération et la différenciation cellulaire. La MEC fournit des indices physiques et biochimiques aux cellules, y compris des voies de signalisation mécaniques. Il a été démontré que la rigidité de la matrice et ses propriétés viscoélastiques influencent la synthèse de protéines structurelles de la MEC et en bout de chaîne, leur organisation.

Le dépôt de collagène, un composant important de la MEC, est augmenté sur les matrices plus rigides par rapport aux matrices plus souples. Cette relation peut également être modélisée à l’aide d’une équation de loi de puissance similaire, où la quantité de collagène déposée par les cellules (C) est proportionnelle à la rigidité de la matrice (S) élevée à un exposant de la loi de puissance (n) et multipliée par une constante (K). L’équation peut être exprimée comme suit:

C=KSn

Où n varie selon les types de cellules et les matériaux de la matrice.

Au fur et à mesure que la culture cellulaire 3D et les modèles in vitro bio-imprimés gagnent en acceptation, l’intérêt pour la (mécano)réciprocité dynamique peut être pensée non seulement par l’ajout de facteurs chimiques définis, mais aussi par la sélection des matériaux.

Références

[1] Jiang, Tao, et al. « Engineering bioprintable alginate/gelatin composite hydrogels with tunable mechanical and cell adhesive properties to modulate tumor spheroid growth kinetics. » Biofabrication 12.1 (2019): 015024.
[2] Jiang, Tao, et al. « Extrusion bioprinting of soft materials: An emerging technique for biological model fabrication. » Applied Physics Reviews 6.1 (2019): 011310.
[3] Guzman A, Ziperstein M J and Kaufman L J 2014 The effect of fibrillar matrix architecture on tumor cell invasion of physically challenging environments Biomaterials 35 6954–63
[4] Yeh Y C, Ling J Y, Chen W C, Lin H H and Tang M J 2017 Mechanotransduction of matrix stiffness in regulation of focal adhesion size and number: reciprocal regulation of caveolin-1 and beta1 integrin Sci. Rep. 7 15008
[5] Paszek M J et al. 2005 Tensional homeostasis and the malignant phenotype Cancer Cell 8241–54
[6] Steward, Andrew J., and Daniel J. Kelly. « Mechanical regulation of mesenchymal stem cell differentiation. » Journal of anatomy 227.6 (2015): 717-731.
[7] Titushkin, Igor, and Michael Cho. « Modulation of cellular mechanics during osteogenic differentiation of human mesenchymal stem cells. » Biophysical journal 93.10 (2007): 3693-3702.
[8] Arnsdorf, Emily J., et al. « Mechanically induced osteogenic differentiation–the role of RhoA, ROCKII and cytoskeletal dynamics. » Journal of cell science 122.4 (2009): 546-553.

Crédit photo : “Gastric patient tumor organoid within a mechanically-defined tissue-like matrix”, avec l’aimable autorisation de Salvador Flores-Torres.

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